Le compte bancaire du conjoint décédé et ses placements financiers éventuels méritent d’être immédiatement bloqués. Le sort de l’argent en effet doit être fixé dans le respect des règles de la succession, qui peuvent être complexes dans certaines familles. Dans cette attente, l’utilisation non encadrée des fonds pourrait créer des conflits. Veillez donc à figer les flux jusqu’à y voir plus clair…
Table des matières
Tout d’abord, à qui appartient l’argent du compte bancaire du conjoint décédé ?
Répondre à cette question vous permet d’anticiper le sort de l’argent.
Compte individuel ou compte joint, peu importe le nom du titulaire…
Une information importante à connaître : les sommes sur le compte en banque au nom du conjoint décédé ne lui appartiennent pas nécessairement. En effet, ce n’est pas la titularité qui entraîne la propriété, c’est l’origine des fonds.
Au cas par cas :
- Vous étiez mariés sous le régime de la communauté légale (sans contrat) ou universelle ? Tous les biens (argent compris) qui se trouvent dans la succession sont présumés communs. Les sommes appartiennent donc pour moitié à vous et votre époux décédé : vous récupérez votre moitié, l’autre moitié est dévolue aux héritiers (dont vous) selon les règles successorales. Et cela peu importe le titulaire du placement ! Pour prouver que certaines sommes d’argent constituent des fonds propres, vous devez avoir prévu une clause de remploi. Cela prouve que vous avez utilisé des biens propres pour alimenter un compte. Par exemple : vous vendez un bien immobilier reçu par donation, et vous placez le prix de vente sur un compte épargne. Dans ce cas, les sommes qui constituent vos biens propres vous reviennent automatiquement – même si elles sont sur un compte joint. Et à l’inverse, les sommes qui constituent des biens propres de votre conjoint décédé entrent intégralement dans la succession – même si elles sont sur un compte joint.
- Vous étiez mariés en séparation de biens ? Chaque époux est seul propriétaire de ses biens (argent compris). En pratique, chaque époux aura pris le soin d’ouvrir un compte individuel. Dès lors, le compte bancaire du conjoint décédé entre intégralement dans la succession. Si vous aviez un compte commun, déterminer la propriété des fonds sera compliquée…
Mais attention, le compte joint n’est pas automatiquement bloqué.
En théorie, c’est assez simple. En séparation de biens, vous ne touchez pas au compte individuel de votre conjoint décédé. Mariés sous le régime de la communauté :
- Vous pouvez disposer librement de la moitié des fonds communs sur le compte bancaire de votre conjoint décédé (compte individuel et compte joint), ils vous appartiennent (ils sont hors succession).
- Vous ne touchez pas à l’autre moitié, vous attendez le règlement de la succession pour disposer de la part qui vous revient – sans empiéter sur la part des autres héritiers, notamment vos enfants.
Mais en pratique, l’argent de la succession peut poser problème.
Le compte individuel du conjoint décédé est bloqué dès que la banque est informée du décès (par le notaire ou les héritiers). Les héritiers peuvent toutefois utiliser les fonds, dans la limite de 5 000 €, pour payer les frais funéraires.
- Si vous étiez marié sous le régime de la communauté et que tout l’argent était placé sur un compte au seul nom de votre époux, vous n’avez momentanément plus accès à votre argent ! Pour débloquer les fonds, veillez à demander rapidement un acte de notoriété (établi par le notaire). Sur présentation de ce document, la banque débloque le compte. Attention toutefois à ne pas dépenser plus que votre part (la moitié de l’argent) jusqu’au règlement de la succession. Si vous dépensez trop, les autres héritiers (vos enfants notamment) pourraient vous demander des comptes…
Le compte joint n’est pas bloqué au décès de votre conjoint décédé. La situation est favorable : vous continuez d’avoir accès à l’argent.
- Mais attention ! Encore une fois, vous n’êtes propriétaire que de la moitié des fonds. Si vos cohéritiers craignent pour leur part d’héritage, ils peuvent faire opposition pour bloquer le compte jusqu’au règlement de la succession.
Comment héritez-vous du compte bancaire de votre conjoint décédé et de ses autres placements ?
Si vous n’avez pas d’enfants, c’est facile : vous héritez de tout l’argent de votre conjoint décédé.
Une exception : si votre conjoint laisse 1 ou ses 2 parents vivants, ils sont également héritiers. Dans ce cas, vous récupérez la moitié de l’argent commun et chaque parent vivant hérite d’1/4 de l’autre moitié.
Si vous avez des enfants, 2 alternatives.
#1 Vous choisissez d’hériter d’1/4 en pleine propriété :
Notez que c’est la règle obligatoire si votre époux a des enfants d’une autre union.
Dans ce cas, pas de difficulté particulière :
- Au dénouement de la succession, vous disposez de 50% des fonds du compte bancaire de votre conjoint décédé + ¼ de l’autre moitié = 75% de l’argent en régime de communauté. En régime de séparation, vous héritez d’1/4 de l’argent.
- Vos enfants reçoivent le reste, divisé à parts égales.
Vous ne payez pas de droits de succession (la loi exonère le conjoint survivant), vos enfants en revanche payent des droits de succession sur la valeur de leur part qui dépasse 100 000 € (abattement). A votre propre décès, vos enfants héritent de l’argent s’il en reste – et payent de nouveau des droits de succession.
#2 Vous décidez d’hériter de 100% en usufruit :
C’est la situation la plus fréquente. Vous êtes usufruitier de tous les biens de la succession et vos enfants en sont nus-propriétaires. Les règles sont plus faciles à comprendre sur les biens immobiliers : vous jouissez des biens (vous les habitez ou vous percevez les revenus de location) mais vous ne pouvez pas les vendre. A votre décès, le patrimoine est donc intact et vos enfants en héritent. L’usufruit sur l’argent est plus délicat à mettre en œuvre…
1ère problématique : comment jouir de l’argent sans le dépenser ?
Vous avez récupéré la moitié de l’argent qui vous revient, vous êtes usufruitier sur l’autre moitié. L’usufruit sur les sommes d’argent constitue un quasi-usufruit : vous avez le droit de disposer de l’argent (et donc de le dépenser), mais à condition qu’il se retrouve dans votre succession à votre décès. Vos enfants héritiers doivent en effet pouvoir récupérer l’usufruit des fonds du compte bancaire du conjoint décédé. A défaut, ils sont lésés. S’ils craignent pour leur héritage, les enfants peuvent demander la mise en place d’un cautionnement ou la conversion de l’usufruit en rente viagère. En pratique, les enfants laissent leur parent survivant disposer librement de l’argent.
2ème problématique : comment éviter la double imposition à vos enfants lors de votre décès ?
Cette problématique est plus fréquente. L’argent du compte bancaire du conjoint décédé en effet est volatil : difficile de tracer les fonds. Or à votre décès, si les fonds ne sont pas identifiés comme des biens appartenant à vos enfants pour leur nue-propriété, ils payent de nouveau des droits de succession. Alors qu’en principe, ils récupèrent l’usufruit gratuitement.
La moitié de l’argent commun soumis au démembrement de propriété nécessite donc un traitement plus précis, pour permettre aux enfants d’en hériter en franchise d’impôt à votre décès. 2 possibilités :
- Vous mettez en place une convention de quasi-usufruit.
- Vous placez l’argent en respectant le démembrement de propriété : vous souscrivez pour l’usufruit et vos enfants pour la nue-propriété.
Veillez à demander conseil à votre notaire, pour assurer à vos enfants d’éviter la double-imposition des sommes des comptes bancaires en démembrement de propriété.
Et les contrats d’assurance-vie ?
- Contrats d’assurance-vie non dénoués au décès du conjoint : les sommes rentrent dans la succession. L’argent sur le compte assurance-vie du conjoint décédé revient donc pour moitié au conjoint survivant, l’autre moitié est partagée avec les héritiers.
- Contrats d’assurance-vie dénoués au décès du conjoint : l’argent ne fait pas partie de la succession, il est versé au bénéficiaire désigné. Si vous êtes le bénéficiaire, vous recevez ainsi la totalité des fonds au jour du décès, sans concurrence avec les autres héritiers. A noter qu’à défaut de bénéficiaire désigné, les fonds sont réintégrés dans la succession, et partagés selon les règles de dévolution légales.
Le fichier FICOBA pour retrouver les comptes bancaires du conjoint décédé
Au décès de votre époux, n’hésitez pas à consulter le Ficoba. Il liste l’ensemble des comptes bancaires ouverts à son nom. De cette manière, vous êtes sûr de réintégrer dans la succession tout l’argent placé. Partez du principe que vous n’en avez pas nécessairement eu connaissance… Et si le compte avait été alimenté avec des fonds communs ? Vous en récupérez automatiquement la moitié.
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